Un puits : reflet de la vie quotidienne à Montpellier au XIIIe siècle [article]
Marie Leenhardt Martine Leguilloux L. Vallaury J.-L. Vayssettes S.-Y. Waksmann V. Merle-Thirion
Archéologie du Midi Médiéval Année 1999 17 pp. 109-1867
Issues d’un puits « miraculeux », comblé à la fin du XIIIe siècle, sis au 1, rue de la Barralerie à Montpellier, au cœur de la ville médiévale, 444 céramiques, 74 pièces de vaisselle de bois et des dizaines d’autres raretés, dont beaucoup intactes, liées à la vie économique, à l’artisanat et au commerce ont été mises au jour en 1985.
VAISSELLE ET OBJETS DE BOIS
Découverts mêlés à la céramique médiévale dans le puits-dépotoir, ces objets domestiques doivent leur exceptionnel état de conservation à la boue argileuse dans laquelle ils étaient immergés. Mentionnés parfois dans les textes médiévaux (inventaires ou contrats), très rares sont en effet, les objets de bois tourné, utilisés dans la vie quotidienne, à être parvenus intacts jusqu’à nous : les fouilles n’en livrent en général que des fragments très altérés.
Le nombre, la diversité et l’état de conservation de ceux qui sont présentés ici, font de cet ensemble, datant du XIIIe siècle par son contexte céramique, l’un des deux plus importants découverts en France, avec celui du lac de Paladru, et lui confère par là un intérêt historique et archéologique majeur.
Ecuelles, bols, coupelles, assiettes, sceaux et tonnelets révèlent la place tenue par la vaisselle et les récipients de bois à côté de la céramique. Boîtes, fuseaux, peignes, jouets, cuillères, pièces d’échecs, manche d’outils, éléments de chaussures, tous objets utilisés par des gens de condition modeste, n’étaient en général connus jusqu’ici que par de rares exemplaires luxueux réalisés dans des matériaux plus riches : os, ivoire ou métal précieux.
Déformés, devenus noirs, rendus mous et gluants par leur long séjour dans l’eau, tous ces objets étaient d’une extrême fragilité au moment de leur découverte. Ils ont été aussitôt confiés au laboratoire Oris-Nucléar de Grenoble, spécialisé dans l’étude et le traitement des bois gorgés d’eau, afin d’y être traités et consolidés.
Le résultat obtenu est remarquable : le bois a retrouvé sa couleur et son aspect naturel, fibres et veines sont réapparus, et douze essences différentes ont été identifiées : buis, érable, hêtre, bouleau, peuplier, chêne, noyer, épicéa, mélèze, pin sylvestre, frêne et aulne.
Une telle diversité donne un aperçu de la place importante tenue par l’artisanat du bois dans les activités de la ville médiévale et dans les relations commerciales, certaines pièces ou essences ayant probablement été importées d’Espagne, d’Afrique du nord ou même d’Orient dont certains centres comme Balbec étaient réputés au Moyen-Age pour la vaisselle de bois tourné.
Tous ces objets simples et de bois ordinaire dont l’usage était réservé aux gens de condition modeste et certains à des enfants, étaient réalisés au tour avec une grande habileté : parois très minces, formes très pures, décors linéaires réduits à l’essentiel.
La rusticité du matériau n’exclut cependant pas l’élégance des lignes et des profils : écuelles, bols, assiettes et coupelles, qui s’inspirent directement des exemplaires en métal ou en céramique réservés à des usagers de condition plus élevée.
http://www.persee.fr/doc/amime_0758-7708_1999_num_17_1_927